L’artiste développe souvent ses œuvres à partir de matériel pictural trouvé et parfois historique, ainsi qu’à partir de figures bien connues de la mythologie, de l’histoire, du théâtre, du cinéma et de la culture pop. Les citations originales sont délibérément réduites à des extraits dans le cadre d’une méthode de travail de type collage. Recontextualisées dans des contextes apparemment surréalistes, cela donne lieu à de nouvelles associations et significations. Plusieurs œuvres sont condensées dans une installation scénique, ce qui donne lieu à une narration performative et picturale.

La sculpture Performance (2015) de Lothar Hempel utilise une image célèbre de Kathleen Neal Cleaver, la première membre féminin des Black Panthers, en mélangeant les matériaux, les disciplines et les références à la culture populaire. Héroïne contemporaine, elle est l’une des figures auxquelles l’artiste rend hommage pour ses engagements.
Mais écoutons la genèse de l’œuvre de l’artiste…

Performance, 2015, ink jet print, aluminum and mixed media, dimensions variable

J’ai combiné 2 images – Kathleen Cleaver, une activiste et la femme d’Eldridge Cleaver, un des leaders des Black Panthers, lors d’un discours qu’elle a tenu à Oakland à la fin des années 60 et une photographie de Dave Gahan, chanteur de Depeche Mode lors d’un de leurs premiers concerts en 1981.

Un autre élément de l’œuvre est la phrase : « Delphi Dog Run », qui est un collage de mots, du nom de l’oracle grec et des mots d’une série de tableaux de Christopher Wool, exécutés en 1990.

Il y a une forme découpée au milieu de la sculpture, indiquant une grossesse et pointant vers le front de Dave Gahan comme un diagramme, montrant la direction d’un processus de pensée ou d’une relation plus symbiotique (« Symbiose » était en fait l’un des titres provisionels de la sculpture, avant que je ne me décide finalement pour « Performance »). Le motif de la grossesse, que je comprends comme une métaphore du ‘donnant-donnant’, est juxtaposé en opposition à la présence phallique du microphone dans la main de M. Gahan et du « vrai » microphone devant la figure.


Il y a des motifs comme des tâches et des rayures imprimées sur la poitrine et les bottes de la figure qui proviennent de photographies de peintures abstraites que j’ai prises il y a quelque temps dans une galerie berlinoise. Ces motifs semblent indiquer un processus comme le broyage, l’enfoncement et l’ouverture, le passage à travers la surface, la coupe, la perforation, la pénétration… c’est probablement une tentative désespérée de surmonter la dimensionnalité de l’image imprimée et le besoin de la transformer en quelque chose de volume, quelque chose de « réel », pour créer un véritable contraire. La clé autour du cou semble avoir une fonction similaire – elle « s’ouvre » également.

Kathleen Neal Cleaver est née à Dallas, Texas, le 13 mai 1945. Ses parents étaient tous les deux militants et diplômés de l’université du Michigan. Son père était professeur de sociologie au Wiley College de Marshall, au Texas, et sa mère a obtenu un master en mathématiques. Trois ans après la naissance de Cleaver, son père, Ernest Neal, a accepté un poste de directeur du Conseil de la vie rurale de l’Institut Tuskegee en Alabama, et ils se sont installés dans une communauté à prédominance noire à côté du campus. Six ans plus tard, Ernest a rejoint le service extérieur. La famille a déménagé à l’étranger et a vécu dans des pays tels que l’Inde, le Liberia, la Sierra Leone et les Philippines. Le séjour en Inde a exposé Kathleen à différentes croyances, dont le socialisme, le communisme et le nationalisme. La famille est retournée aux États-Unis après la mort de son frère d’une leucémie et l’éclatement de la famille. Cleaver fréquente un pensionnat quaker près de Philadelphie, la George School, qui vient de supprimer la ségrégation.

Il existe une pièce « jumelle » à Performance, une sculpture de 2018 intitulée : « Ein Lied für 2 Stimmen » (Un chant pour 2 voix), notez la clé verte collée au mur ! Il pourrait être intéressant de voir les 2 œuvres dans leur dialogue.

Ein Lied für 2 Stimmen, 2018

Biographie

Lothar Hempel est né en 1966 à Cologne. Il vit et travaille à Berlin.

L’artiste puise son inspiration dans l’histoire allemande, dans la New Wave californienne, dans la tragédie grecque, dans la culture païenne, dans la musique ou le cinéma. Ce qui lui importe n’est pas tant la référence en tant que telle et prise pour ce qu’elle est ou ce qu’elle véhicule dans la société occidentale actuelle, mais plutôt une sorte de réappropriation de ces images, de ce réel afin de le faire circuler dans son univers et de se l’approprier. Ses œuvres sont chargées émotionnellement et plutôt que de nous livrer tel quel un concept de départ, elles nous placent face à un souvenir qu’on aurait oublié ou perdu et que nous sommes sur le point de retrouver, engendrant ainsi tout un possible d’interprétations propres à chacun dans une sorte de cheminement entre réalité et rêve. Lothar Hempel crée une cosmogonie complète avec ses figures, ses objets et son environnement dans lequel il confond le verbal et le visuel et combine presque violemment des médiums auparavant distincts.

Son travail est présent dans les collections du Museum of Contemporary Art, Los Angeles/US; Museum of Modern Art, New York/US et dans plusieurs FRAC, Fonds régionaux d’Art Contemporain/FR.

Sélection d’expositions personnelles récentes : WINDOW, Anton Kern Gallery, New york (2020); Le Terrain Vague, Stuart Shave / Modern Art, London (2018) ; Oral Heart, Anton kern gallery, New York (2017) ; Sex and the City, Art : Concept, Paris (2016) ; Working Girl, Sies + Höke, Düsseldorf (2016) ; Tropenkoller, Modern Art, London (2015).

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